mardi 29 juillet 2008

les vigilants patrouillent (un peu partout des petits Martel essaiment)

Un blogueur, certainement plus malin que les autres, s’étonne que parmi une conseillère d’Etat, un Adjoint au maire de Paris pour les questions culturelles, un directeur d’une grande station radiophonique, personne ne remarque comme lui, sur la base d’un faisceau de citations hétéroclites, que le « bouquin », la grande déculturation de Renaud Camus est « un torchon méprisable ». Je tiens humblement à le remercier, j’ai lu en janvier une version de ce livre, disponible sur internet, et je ne l’avais nullement constaté, même -honte et repentance- l'avais trouvé excellent. Nul ne devrait mésestimer le rôle des vigilants.

Pour ma part, j'ai cru, et je m'en excuse, qu'il s'agissait d'un essai sur les effets de l'hyperdémocratisation dans la culture, donnant une suite aux réflexions de Tocqueville ou d'Hannah Arendt dans crise de la culture, mais, pas du tout, tout aveugle et naïf que je fus (pardon!) c'est paraît-il, un livre qui ne préoccupe que de "distinctions raciales" (j'avais rien vu venir).

Par exemple :

Cet effet dévastateur de la démocratie dans des domaines qui sont incompatibles avec elle est d'autant plus foudroyant qu'elle est, lorsqu'elle y intervient, plus étroitement assimilée à sa valeur centrale, l'égalité. Ni la famille, ni l'éducation ni la culture ne peuvent s'accommoder de l'égalité. Encore les deux premières, et surtout la seconde, l'éducation, n'exigent-elles, pour remplir leur fonction dans la société, que sa suspension provisoire et de convention : durant le temps de sa formation l'enfant n'est l'égal, par convention, ni de ses parents ni de ses maîtres ; cela n'attente en rien à la fondamentale égalité de droits entre les individus et entre les générations (tour à tour, à mesure qu'elles arrivent chacune à maturité). Mais la culture est sur ce point plus radicale, plus stricte en ses exigences et en ses exclusions — l'égalité n'y est pas suspendue pour un moment, le temps d'une enfance, d'une heure de classe ou d'une année d'études : elle y est frappée d'un défaut de pertinence fondamental et définitif. Répétons-le, la seule relation concevable entre égalité et culture, et elle est très indirecte, et totalement extérieure à la culture elle-même, c'est l'aménagement difficile, très difficile, presque impossible, mais certainement souhaitable, d'un égal accès à cette inégalité radicale, à ce lacis d'inégalités principielles, la culture.

Se cultiver, c'est se rendre inégal à soi-même. C'est aussi — mais ce point est déjà beaucoup plus difficile à faire admettre en société hyperdémocratique (laquelle n'est en aucune façon, précisons-le une fois de plus, l'achèvement suprême, le couronnement, l'épitomé de la démocratie politique, mais sa transplantation impérialiste dans des domaines qui lui sont étrangers), et d'ailleurs il n'est pas d'une importance primordiale, mais il est néanmoins incontestable — c'est aussi se rendre inégal aux autres, à ceux qui sont moins cultivés : non pas certes inégal juridiquement, mais culturellement ; non pas en droit, mais en esprit. Il n'était pas sans importance qu'on parlât jadis, et il est significatif que le terme soit à peu près tombé en désuétude, peut-être à cause des ses relations déplaisantes avec l'élevage, d'élever les enfants ; et d'enfants et de personnes plus ou moins bien ou mal élevés. J'aime mieux retenir les liens suggérés, ou mis en avant par le terme, avec l'élévation. Se cultiver c'est s'élever, apprendre à voir les choses et le monde de plus haut.








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