mercredi 29 octobre 2008

La longue et patiente existence du lecteur

Les disparus, six cent quarante et une pages, Against the day, mille quatre-vingt-cinq pages, Ainsi parla Zarathoustra, cinq cent dix pages, Achever Clausewitz, trois cent soixante-huit pages, Sous le soleil de Satan, deux cent quatre-vingt cinq pages, Au coeur des ténébres, deux cent quatorze pages

Monsieur On et les idées reçues


Une phrase cueillie dans le journal mérite qu'on s'y attarde.
« Un job à Wall Street crée 1,5 emploi indirect. Mais un poste d'ouvrier dans une usine d'assemblage automobile en génère 9, des sous-traitants aux restaurants, en passant par les commerces » David Dole

On nous martèle pourtant que les emplois de service vont compenser les emplois du secteur secondaire. A vrai dire, On ne devrait pas être si péremptoire.






mardi 28 octobre 2008

La longue et patiente existence du lecteur

Le docteur Jivago, six cent douze pages, L'homme sans qualités, mille huit cent pages, Don Quichotte, six cent huit pages, Le chagrin des belges, huit cent trente pages, A la recherche du temps perdu, neuf cent quatre-vingt et une pages, la chartreuse de Parme, cinq cent trente-sept pages.

lundi 27 octobre 2008

Comment rendre un homme heureux?

En ces temps de crise, mesdames, il va être difficile de satisfaire les besoins consuméristes de votre tendre et doux accompagnateur de vie. Fini les joujoux motorisés (trop chers), fini les gadgets électroniques (trop communs). J'ai la solution.

La Copa Mundial, la roll royce de la ballerine de footballeur, en véritable peau de kangourou, se transmet de génération en génération et vous confère ce supplément de talent qui vous manque.

samedi 25 octobre 2008

Emerveillement pour un programme télévisé

Le vénérable Jean-Luc Petitrenaud, lors de son émission cultissime, s'est baladé ce samedi en plein cœur de la capitale pour rencontrer des restaurateurs déracinés. Nos humbles et nostalgiques cuisiniers, banals génies, ont préparé devant mes yeux de téléspectateur émerveillé des spécialités de Libourne, de Toulouse et d'Auvergne, de leur vie antérieur. Dans chaque regard, la nostalgie, dans chaque geste, la beauté. Je suis bien loin de l'âme poétique, les seules minuscules parcelles qui me sont accessibles sont par le truchement de ce programme télévisé. Merci.

Confèrence inutile sur une anecdote linguistique

Contrairement à l'anglais répandu aux quatre coins du globe (hé, hé) ou au flamand répandu aux quatre coins de la Flandre, la langue espagnole présente une unité qui fait d'elle un véhicule accessible et liant pour toute la communauté. Ainsi un angelino comprend mieux un petit gars d'Almendralejo, qu'un limbourgeois un petit ketje de Veurne, pourtant distant de quelques encablures belges -notons en parenthèse que la Belgique est une unité de mesure forestière qui comptabilise les étendues de forêts qui disparaissent chaque année - mais de rien-. Néanmoins, comme pour toute langue vernaculaire, il existe des variations bien distinctes qui marquent son homme et son territoire. Il y a certes trois grandes aires linguistiques, l'espagnol américain (sur lequel j'espère revenir plus tard), l'espagnol latino-américain et l'espagnol classique, jalousement et sévèrement chaperonné par Real academia. Toutefois, à l'heure de l'uniformisation mondialisée dont on goûte tous les jours les ravages, un vocabulaire propre à chaque pays, à chaque village, distingue les origines. Ce que nous pouvons voir à travers le mot pololo. Un pololo, pour un espagnol, ne sera rien d'autre qu'un pantalon court, non, je vous vois venir, pas un panta-court popularisé dans les années deux-mil par le sportif mallorquin Rafaël Nadal, mais plutôt les antédiluviens pantalons légers qu'on enfilait sous ses jupes dans des siècles barbares et obscurantistes qui ignoraient le chauffage et le réchauffement climatique. Vous comprenez bien que cet antique et aimable accoutrement risque de disparaître de nos gardes-robes et de notre vocabulaire à l'ère du tout-Lagerfeld. Or, il est un coin de la mappemonde où l'usage de ce mot fera de vous un amigo, fera scintiller dans l'œil de votre interlocuteur le brillant et émouvant sentiment d'appartenance qui existe encore, c'est le Chili. Là-bas, un pololo est un petit ami, un novio. Le mot tire son origine d'un insecte de Valparaiso, devenu l'emblème des pompiers du coin vaillants, musclés et bon à marier, attirant toute la concupiscence de la fine fleur du sexe faible. Ainsi, une fille qui a conquis le cœur d'un pompier se vante dans les bals d'avoir un pololo. C'est de là où s'est répandu l'expression comme une trainée de poudre dans tout le pays.

Mi pololo, amor de mi vida





jeudi 23 octobre 2008

L'anglais des affaires a du plomb dans l'aile

Chers amis, ne riez pas trop à l'écoute de ce vieil espagnol usant de la langue de Shakespeare et de Rooney. Cette vidéo est un outil précieux pour les spécialistes des accents.



Fijate, Cet homme est la crème de la crème de l'industrie espagnol : Emilio Botin Sanz de Sautuola y Garcia de los Rios.

mercredi 22 octobre 2008

L´exception européenne, ces mérites qui nous distinguent

Demain, sur le coup des midis zéro zéro, l'heure exacte où les informaticiens vont rechauffer leur tambouille dans le micro-onde, cependant que nos chefs vont dépenser les derniers gains de leur stock-options dans des repas gastronomiques, je filerai en douce vers une conférence philosophique. Jacques Dewitte nous présentera son essai sur l'Europe et décrira à un public de curieux et de jeûneurs l'exception européenne et nous apprendra un peu plus sur l'identité de celle-ci à l'heure où elle éprouve des difficultés à dessiner ses propres contours. Prenant à cœur mon rôle de public, j'ai acheté lundi l'ouvrage de l'intervenant, que je m'empresserai à la fin, après avoir froncé les sourcils, hoché la tête de confirmation, regardé dans le vide à l'évocation de tel auteur, puis applaudit à tout rompre, je m'empresserai, disais-je, de faire dédicacer le livre en jouant de connivence avec mon nouvel ami philosophe. Au vu des premières pages de L´exception européenne, Ces mérites qui nous distinguent, il sera question de la difficulté pour l'européen de concilier sa distance critique envers lui-même et une remise en cause nihiliste de ses propres mérites. Je réfléchis ce soir à quelques interventions savantes de ma part (je triche), mais rien ne me vient à l'esprit. Il est vrai que j'interviens fort peu et c'est bien dommage.
Quant à vous, vous pouvez toujours écouter l'émission diffusée samedi en mangeant vos bolinos.

mardi 21 octobre 2008

Le Grand Siècle eldorado

En entrant dans une salle de cinéma du centre-ville, qui porte le nom de grand Eldorado et qui dans un souci de conformité avec son sobriquet pare scrupuleusement l'immense salle de dorures kitsch et de fresques naïves alignant mythes empilées et foutraques, je me suis imaginé, toujours sous le charme tenace de la stupéfaction devant tant d'esthétique-toc, cette salle faisant l'objet dans quelques décennies, de visites touristiques et de pompes cérémoniales dûes à notre patrimoine. J'espère que cela n'arrivera pas, que les lambris s'affaisseront, s'écrouleront, de préférence sur un public belge, goguenard et reniflant, comme il a la coutume de le faire quand il s'affale devant un spectacle. Je verrai, si les choses tournent mal, dans ce futur des files de touristes, cultivés ou pas, devant "un monument" que j'avais jadis méprisé. Cela me fera bizarre. Mon fils, fauché comme son père, aura la chance d'occuper un emploi d'agent de médiation à l'intérieur de ce majestueux site. Déambulant entre les sièges pliables, il aura la louable tâche de "renseigner" le public pressé des vertus culturelles et des beautés artistiques de l'endroit, fleuron de la culture démocratique de notre siècle, "le Grand siècle eldorado", ainsi que l'aura nommé non sans malice le sage et toujours juvénile Jack Lang.

Les coeurs bleus

samedi 18 octobre 2008

Gâcher la fête

En dépit des efforts pathétiques des organisateurs du match sans enjeu opposant la sélection française et sélection tunisienne, pour se concilier clémence, neutralité et retenue d'un public qu'on soupçonnait hostile, la fête a tourné à la consternation. Seul le placide Domenech, qui dans une phrase d'évitement "je suis sourd" traduisible par un "je baisse la tête" qu'on imagine assez bien dans d'autres circonstances historico-dramatiques, a échappé à la sensation douloureuse d'être, comme l'a pensé le courageux capitaine Thierry Henri, étranger en son pays ("on a l'impression de jouer à l'extérieur"). Ce minuscule incident parmi tant d'autres remet en question une nouvelle fois l'idéal multiculturel portée par nos élites (une sélection black-blanc-beur méprisée par des français déracinés). C'est dans ce contexte lourd de sens qu'intervient le jovial président de l'association organisatrice de compétitions internationales de foot-business dans ce qu'il advient être une tentative de gain du prix Lilian Thuram,. Michel Platini est intervenu dans un quotidien français pour expliquer "sa pensée" (appréciez la syntaxe du titre). Comme souvent, il va préciser ou corriger ses propos dans des communiqués nuancés, désolés qui suivront, nous nous garderons donc de critiquer ce débonnaire ancien footballeur. Mais, tout de même, après le silence gêné répondant aux sifflets de France-Maroc, la machine médiatique s'est rattrapée avec toute sa balourdise coutumière. Ces incidents sont retentissants, des personnes vivant en France, sans doute avec la nationalité française sifflent l'hymne de leur propre identité. Pendant ce temps, il nous explique que c'est juste bon pour la motivation des joueurs.
Le football est l'industrie du rêve, surtout ne gâchez pas la fête.

vendredi 17 octobre 2008

Chicago

J'arrête mes énigmes géographiques, qui n'ont pas l'air si énigmatique que cela pour les limiers que vous êtes. Néanmoins, je continue à mettre des photographies à caractère touristique.





N'hésitez pas à cliquer sur l'image.

mercredi 15 octobre 2008

Le conservateur

Houellebecq revient sur le contresens consistant à voir en lui un réactionnaire, nouveau ou ancien, alors que son tempérament et ses pensées le porteraient vers une sorte de conservatisme critique, cher à Orwell – auquel d’ailleurs Houellebecq rend hommage en louant sa définition de la «common decency» (socle de valeurs morales élémentaires qu’Orwell prêtait aux gens ordinaires) : «s’il y a une idée, une seule, qui traverse tous mes romans, jusqu’à la hantise parfois, c’est bien celle de l’irréversibilité absolue de tout processus de dégradation, une fois entamé. Que cette dégradation concerne une amitié, une famille, un couple, un groupement social plus important, une société entière ; dans mes romans il n’y a pas de pardon, de retour en arrière, de deuxième chance : tout ce qui est perdu est bel et bien, et à jamais, perdu. C’est plus qu’organique, c’est comme une loi universelle, s’appliquant aussi bien aux objets inertes ; c’est, littéralement, entropique. À quelqu’un qui est à ce point persuadé du caractère inéluctable de tout déclin, de toute perte, l’idée de réaction ne peut même pas venir. Si un tel individu ne sera jamais réactionnaire, il sera par contre, et tout naturellement, conservateur. Il considèrera toujours qu’il vaut mieux conserver ce qui existe, et qui fonctionne tant bien que mal, plutôt que de se lancer dans une expérience nouvelle. Plus sensible aux dangers qu’à l’espérance il sera pessimiste, d’un naturel triste, et en général facile à vivre.»

A propos du livre Ennemis publics, extrait de l'Opinion Indépendante, 10/10/2008, Christian Authier


mardi 14 octobre 2008

Un ogre


Le mot qui désigne la joie mauvaise, les transes apocalyptiques des amis du désastre est Schadenfreude. Je l'ignorais. Des articles paraissent pour annoncer "la fin du capitalisme" qui a rendu nos sociétés si prospères. Il est souvent dit que la crise actuelle est comparable en déflagration à la grande dépression de 1929, il est souvent dit aussi que les régimes totalitaires qui dévastèrent le monde sont une des conséquences de cette terrible crise. Je ne pensais pas conforter l'intuition que j'ai rédigé dans un ogre. Ce qui va remplacer l'ordre spontané, c'est la mainmise de l'Etat, du controle et de la bureaucratie, du moins temporairement. Ce qui donne quelque crédibilité à l'Unimonde bureaucratique imaginé par M.G.Dantec. Par ailleurs, on comprend pourquoi le Président Sarkozy, héritier de la tradition bonapartiste, se frotte les mains, cependant tout le monde se tape sur le bedon au retour de l'État.

dimanche 12 octobre 2008

L'Aiglon

Hier, comme l'eût dit, Herr Camus, c'était Théâtre, ce soir. Et pas n'importe où, chers amis, puisque nous avons choisi pour la première fois de nous déplacer au théâtre Royal du Parc, écrin somptuaire où peuvent se tasser plus de sept cents personnes d'excellente compagnie bourgeoise, pour assister à la représentation d'une pièce à costume, l'Aiglon, dont mon infamante inculture ignorait tout. Par souci d'économie malvenu, le couple que nous formions avec Elle s'installa au troisième balcon où nous eûmes pour des gens de notre respectabilité, distance et hauteur, mais surtout hauteur qui me fit craindre le confort d'un spectateur d'un match de foot-ball dans un "parcage" visiteur. Il n'en fut rien ni des vues imparfaites et lointaines, ni de la promiscuité beuglante de quelque manière que ce soit. L'Aiglon versifie la vie et la mort de Napoléon II. L'empereur Napoléon II, duc de Reichstadt et roi de Rome, a régné sans le savoir en France pendant quatre ou cinq jours. Il est le fils de Napoléon et de Marie-Louise d'Autriche, qui enfermé dans son existence monarchique viennoise ne rêvera que d'être le digne et épique héritier de son fameux et admiré paternel. Le héros est déchiré entre sa langueur et fragilité austro-germanique et sa vaillance, son entêtement et son héroïsme français. Il voudrait être à la hauteur de son sang bouillonnant, il mourra d'une fièvre, ne pouvant que reproduire des batailles par le biais de ses soldats de bois repeinturlurés sous l'œil sévère de Metternich. Il est amusant de noter que l'auteur, français, a décrit des caractères nationaux à l'inverse de ceux perçus à l'étranger. Raffiné à l'extrême, manièré et indécis pour l'étranger proche, le français n'est pas ce monstre de volonté bravade et épique qu'Edmond Rostand lie à l'atavisme gaulois.

En léger différé

mercredi 8 octobre 2008

Alexandre Adler a dit

Ce matin, notre doux mais néanmoins robuste Alexandre Adler a pris son combiné. S'adressant à tous, Il nous a parlé de l'après-capitalisme pendant que certains d'entre vous se rasaient ou alors pendant que vous vous trimbalâtes avec votre sacoche de cuir usé et votre epodcast dans des transports en communs bondés. Pour ceux qui l'ignorait, Alexandre Adler, quoique lourd en apparence mais agile comme un petit singe de par l'esprit, lit the Economist qu'il (son stagiaire) traduit, -le roublard- pour les besoins de sa chronique. C'est ainsi que ce matin, il parla tout ingénument de Warren Buffet, l'éminent investisseur, qui atteint les cimes de la popularité outre-atlantique, parce qu'il est devenu le symbole de l'investisseur sage, distancié et responsable. Responsable? La société de l'homme d'affaires, Bershire Hathaway, a depuis longtemps fait son blé et son miel sur des investissements dans l'industrie, vieux secteur routinier et concret qui reprend du lustre, loin du casino financier et des gadgets virtuels du prochain millénaire. Alexandre Adler, par un de ces sauts de cabri dont il a le secret, expliquait que les industriels américains, dont Buffet était l'homme-lige, vont prôner un protectionnisme sécurisant qui tranche avec le flot fou de capitaux transfrontaliers, et avec lequel le candidat et probable président Obama ne pourra pas se départir. C'est de toute façon, si vous êtes un peu attentif, ce qu'il nous promet dans son programme. Progressiste et protectionniste, encore un tour de passe-passe du vieil aigle pour nous pousser dans des abîmes de perplexité.

John le Carré par Percy Kemp

En furetant dans les bacs en bois d'un brocanteur du boulevard A., j'ai parcouru quelques lointaines éditions d'une revue qui avait mes faveurs à l'université et qui était négligemment coincée entre telles revues de sociologie belge de l'entre-deux-guerre ou telle autre de science politique d'une province française enfouie dans laquelle se distinguait un enseignant mien spécialiste d'analyse des données textuelles et qui connut son heure de gloriole lorsqu'il affirma que Corneille et Molière ne faisaient qu'une et seule même personne. Cette revue coûtait à l'époque quatre-vingt-neuf francs. On pouvait désormais s'en procurer pour une somme dérisoire, un euro. D'aucuns, -des grincheux-, prétendent que c'est la juste mesure qui sépare le magistère de Paul Thibaud aux gesticulations des successeurs. Mais je ne les rejoindrais pas là sur ce terrain pentu et glissant, je me bornerais à de simple constats de portefeuille d'apothicaires. Un exemplaire retint mon attention. En mai 2003, Esprit publia un dossier sur Günther Anders, le philosophe allemand, qui avait attiré mon attention par le biais d'un titre gracieux et profond, d'apparence, l'obsolescence de l'homme. De surcroît, la revue nous promettait une critique* de l'œuvre de l'écrivain John le carré, que je connais peu, sauf par l'ouï-dire dithyrambique de mon ami roulio. Je vous en fais un petit résumé, avant d'envoyer par courrier postal une impression dudit article à mon ami kosovar (car roulio s'appelle de son vrai nom roulio-du-kosovo).

D'après Percy Kemp, le grand mérite de John le carré fut d'introduire dans ces récits d'espionnage le facteur humain au cœur de la mécanique implacable de la guerre froide. Celle-ci, en effet, par le biais de l'idéologie, avait mis de côté les notions de "rivaux" (avec qui on peut vivre) pour laisser place aux "ennemis irréductibles" (qu'on doit anéantir), aussi ignorants et fermés de l'un à l'autre. La guerre froide, symbolisé par le Mur de Berlin, se caractérisait par un état de tension extrême entre acteurs qui ne se connaissaient pas, où rien ne se passait avant l'imprévisible et soudain moment du chaos fatal. John le Carré restitue les manigances de l'ombre en appuyant sur les émotions proprement humaines (jalousie, trahison, amour, ambition, vengeance) qui ont déjoué l'apparente mécanique de guerre froide. Ainsi, avec la Trilogie de Smiley, John le Carré aurait fait pour ce conflit le poème épique que Tolstoï fit pour les guerres napoléoniennes, que Shakespeare fit pour la guerre des Deux-Roses, et qu'Homère fit pour le guerre de Troie.
Je crois savoir, cher roulio que c'est surtout la complexité des intrigues qui nourrit votre enthousiasme, mais est-ce que ce que semble dire ce lecteur y a-t-il sa place?

*Percy Kemp, Un espion naïf et sentimental, Portrait de John le Carré, Esprit, mai 2003

lundi 6 octobre 2008

La technique et la violence

Si on se tient au mot Gewalt que l'on traduit de l'allemand par violence sans prendre en compte que dans la langue de Hölderlin et d'Herr Kinzler, elle n'a pas la seule connotation péjorative du français, car elle comprend quelque chose d'axiologiquement neutre en incluant dans sa définition les termes de force et d'autorité politique et spirituel, on comprend mieux en ce lundi soir la phrase de Weber sur l'État comme détenteur du monopole de la violence légitime. Si en plus, on transfère les propriétés de la Violence à la Technique, comme une archê, c'est-à-dire "ce qui met en branle un processus", on part se coucher de satisfaction et de honte mêlées se disant qu'on vient d'entr'apercevoir dans les rais lumineux de nos paupières tombantes quelque chose de fondamental, de lourd pour l'humanité ou d'encourageant pour notre petite intelligence selon que l'on se place ou pas du bon côté du Bonheur universel.

samedi 4 octobre 2008

Un ogre

Nous parlâmes de la joie mauvaise qui secoua comme des possédés l'ensemble de la presse au sujet de la crise financière et du système économique qui va à vau-l'eau. Bien sûr, nous y voyons un tropisme gaucher (bolshy) dans les consciences pures et objectives des salles de rédaction, le monde diplomatique, l'éminent, le respectable Monde Diplo a barré sa Une, derrière laquelle on imagine bien se contorsionner de bonheur et de grandeur moralisatrice les éditorialistes, "le jour où Wall Street est devenu socialiste". La presse s'est payé le marché. Sous ces injonctions, le capitalisme va cesser d'exister. En parallèle se déroule, et sans qu'on comprenne bien pourquoi la foire corporatiste tient place dans l'Agenda présidentiel, les États généraux de la presse. Le chef de l'État y a tenu discours devant des professionnels de la profession soucieux et profondément méditatifs avant et après la digestion. Entre autres choses, on y apprend par le biais d'une jolie expression dans notre canard fétiche ("tendre la sébile") que le budget de l'État réserve une enveloppe de 284 millions d'euros pour le secteur. Nous l'ignorons, mais les journaux, loin d'être de fières groupes indépendants, ressemblent davantage à des demi-associations subventionnées. On comprend mieux leur aversion du marché. Le marché les a plumé. Et il est donc déontologique de dire du bien de son bienfaiteur et de nourrir rancœur et amertume. A ce titre, les professeurs proliférant dans les cursus de l'économie et social dans la grande maison de l'Educ-Nat prodiguent la bonne parole théorique de l'État et les vertus de l'impôt, dont ils sont, il ne faut pas l'oublier, les bénéficiaires.
Par quelque occasion, l'État ne manque pas de rappeler de sa nécessité et de son emprise tous les jours grandissante.

*Agenda : ce qui doit être fait
*"Et l'écueil d'une nouvelle mise sous perfusion de la presse habituée par l'Etat depuis des années à « tendre la sébile » (284 millions d'euros d'aides directes à la presse budgétées en 2009)", les Echos du deux octobre

jeudi 2 octobre 2008

Que vive la finance


Les lobbys obscurantistes, les populistes, les enfonceurs de système, les malins de l'apocalypse, les vendeurs de présages fous et sensationnels en auront pour leur grade. Je me permets de reproduire le texte d'Augustin Landier et David Thesmar. J'enfonce le clou et je crie avec les vautours.

Vive la finance!

On nous avait prévenus : le capitalisme financier marche sur la tête. Les incantations politiques sur la nécessité de « mettre au pas » la finance et d'épingler les coupables n'ont jamais été aussi unanimes, atteignant leur paroxysme avec l'homélie présidentielle de la semaine passée. Dans un pays qui adore débattre de grands principes abstraits, les envolées lyriques sur le thème du retour à l'Etat font florès. Il faut dire qu'un grand nombre de fantasmes idéologiques propres à la France se trouvent ainsi confortés.

Par exemple celui qui ferait de la finance un secteur « virtuel ». Or que l'on parle d'une banque commerciale ou d'investissement, du « hedge fund » londonien ou du guichet de la Caisse d'Epargne, la finance fournit des services à forte valeur ajoutée. Aux Etats-Unis, elle contribue au PIB à hauteur de 6 -7 %. Un biais industrialiste nostalgique nous pousse à croire que seules comptent les entreprises qui produisent un bien tangible. Or la manufacture elle-même n'est qu'une toute petite partie du prix d'un bien, loin derrière les services qui l'entourent (logistique, informatique, service après-vente... finance). Notre avenir, dans le monde globalisé, ce sont les services, et notamment les services financiers.

Depuis la fin de 2000, l'économie américaine, bien que soumise à la fameuse dictature des marchés financiers, a crû de 17 %, soit un tiers plus vite que la France. Le secteur financier, qui a permis aux entreprises innovantes de s'endetter et aux particuliers d'accéder à la propriété, est directement impliqué dans ce succès. Pour prendre un exemple provocateur, un ménage « subprime », s'endettant en 2006 à un « teaser rate » de 2 % avec un apport de 10.000 dollars, n'a pas forcément perdu grand-chose aujourd'hui. Il aurait dû payer un loyer en tout état de cause. Si son défaut conduit aujourd'hui à la saisie de sa maison, c'est là que s'arrête sa responsabilité aux Etats-Unis.

Lire la crise actuelle comme le symbole des ravages du libéralisme sauvage n'est ni pertinent ni utile. C'est plutôt sur l'échec des régulateurs à créer des infrastructures adaptées à l'innovation financière qu'il faut s'interroger. Ainsi, des dizaines de milliers de prêts immobiliers ont été consentis sur la base d'informations sur les prêteurs qui s'avèrent aujourd'hui fausses et rendent la valorisation de ces contrats impossible. Sans aucun effort de standardisation, les dérivés de crédit correspondants ont été formalisés dans des contrats qui varient au cas par cas. Ils ne sont donc pas échangés sur les marchés de dérivés organisés, qui, eux, sont sûrs. Les banques ont gardé hors bilan, avec le consentement tacite des régulateurs, des poches d'engagements qui exposaient en réalité l'ensemble de leurs actifs.

Depuis la crise de 1929, nul ne conteste que le système financier doit être régulé par l'État : les soi-disant ravages de la dérégulation ne sont rien d'autre qu'un épouvantail bien pratique. Il s'agit maintenant de réfléchir dans le détail, produit par produit et question par question, à l'amélioration du système en évitant les mesures symboliques et en acceptant la complexité d'un sujet très technique. Par exemple, « contrôler » les agences de notation ne leur donnera pas de meilleur modèle pour évaluer des créances toxiques très opaques. Limiter arbitrairement la rémunération des dirigeants est une mesure populiste, aisément contournable et probablement sans effet majeur. Empêcher les ventes à découvert n'empêche pas les cours de Bourse de baisser, mais limite le pouvoir stabilisant de certains opérateurs financiers. Résultat confirmé par de nombreuses études académiques : on augmente la volatilité des actions à court terme.

Pourtant, le président de la République a raison sur un point : la crise actuelle provient d'un manque de responsabilisation des agents financiers. Trop d'opérateurs ont été incités à surfer sur une bulle que beaucoup reconnaissaient comme telle. Sous peine d'être sans effet, la nouvelle régulation doit prévenir le retour de ces incitations perverses. Pour cela, il faut s'éloigner des grands principes et se concentrer sur la plomberie microéconomique. Par exemple, dans les établissements financiers, il faudrait que la fonction de contrôle des risques ne reporte pas à la direction générale, mais directement au conseil d'administration, et la doter de pouvoirs d'investigation pour faire remonter l'information. C'est de ce genre de mesure technique qu'on peut attendre un progrès tangible de la technologie de gouvernance des organismes financiers.