Dans une tribune du « New York Times », subtilement intitulée « French Connection », l'économiste Paul Krugman faisait récemment l'éloge du « modèle français » de l'Internet haut débit : un équilibre délicat entre compétition et régulation qui a produit des résultats spectaculaires en termes de prix et de débit (trois fois plus élevé qu'aux Etats-Unis). Et Paul Krugman de rappeler que la France était, à l'inverse, très à la traîne des Etats-Unis au début des années 2000 (pénétration américaine quatre fois supérieure alors).
Cet équilibre est pourtant menacé sous l'effet d'une concentration exacerbée : disparition de Cegetel, AOL, Club-Internet, certains n'hésitant pas à ajouter Alice et Free à la liste, par anticipation. Le « modèle » finirait ainsi en une compétition sans compétiteurs... Triste issue pour les consommateurs (diversité d'offre réduite, prix plus élevés...) et pour la collectivité (frein à l'innovation et à la création de richesses associée). Or cette concentration intervient au moment où se profile une nouvelle frontière, celle du « très haut débit », qui implique le déploiement de réseaux en fibre optique, avec des investissements chiffrés non plus en centaines de millions, mais en milliards. La logique de concentration en sera mécaniquement exacerbée.
Certains Etats avancent malgré tout. Les pays scandinaves, les Pays-Bas ou l'Italie ont des déploiements du très haut débit plus avancés que la France. Mais, surtout, une « Asian Connection » est en train de se constituer : en Corée du Sud, à Hong Kong ou au Japon, les internautes sont connectés en masse via la fibre optique, dont l'usage se banalise totalement. C'est notamment le cas de plus de 10 millions de Japonais, soit bientôt plus que le nombre d'usagers d'une ligne DSL dans ce pays. L'histoire bégaie : les Asiatiques ont également de l'avance dans la téléphonie mobile de troisième génération, alors que les Européens avaient été pionniers de la génération technologique précédente (avec le GSM).
Pour réinventer le modèle français et éviter la menace d'une compétition sans compétiteurs, la création d'un réseau de la fibre de France est une piste. Une telle entité pourrait opérer sous statut de délégation de service public, sous contrôle du régulateur, et être ouverte à l'ensemble des investisseurs potentiels, privés et publics. On retrouve l'idée des « autoroutes de l'information », sauf qu'au lieu d'en faire l'apanage d'un acteur, il s'agirait de mettre en commun les moyens du secteur. Les avantages sont évidents : maximiser le déploiement en évitant le gaspillage des ressources et éviter une hyperconcentration par la sortie du marché des acteurs qui animent la concurrence en prix et en innovation. Autrement dit, cela permettrait de sortir de l'impasse actuelle qui interdit d'avoir à la fois, pour l'avenir, le bon réseau et des acteurs économiques aptes à y proposer des services.
PATRICE GEOFFRON, professeur à l'université Paris-Dauphine (Les Echos du 31 juillet)
Cet équilibre est pourtant menacé sous l'effet d'une concentration exacerbée : disparition de Cegetel, AOL, Club-Internet, certains n'hésitant pas à ajouter Alice et Free à la liste, par anticipation. Le « modèle » finirait ainsi en une compétition sans compétiteurs... Triste issue pour les consommateurs (diversité d'offre réduite, prix plus élevés...) et pour la collectivité (frein à l'innovation et à la création de richesses associée). Or cette concentration intervient au moment où se profile une nouvelle frontière, celle du « très haut débit », qui implique le déploiement de réseaux en fibre optique, avec des investissements chiffrés non plus en centaines de millions, mais en milliards. La logique de concentration en sera mécaniquement exacerbée.
Certains Etats avancent malgré tout. Les pays scandinaves, les Pays-Bas ou l'Italie ont des déploiements du très haut débit plus avancés que la France. Mais, surtout, une « Asian Connection » est en train de se constituer : en Corée du Sud, à Hong Kong ou au Japon, les internautes sont connectés en masse via la fibre optique, dont l'usage se banalise totalement. C'est notamment le cas de plus de 10 millions de Japonais, soit bientôt plus que le nombre d'usagers d'une ligne DSL dans ce pays. L'histoire bégaie : les Asiatiques ont également de l'avance dans la téléphonie mobile de troisième génération, alors que les Européens avaient été pionniers de la génération technologique précédente (avec le GSM).
Pour réinventer le modèle français et éviter la menace d'une compétition sans compétiteurs, la création d'un réseau de la fibre de France est une piste. Une telle entité pourrait opérer sous statut de délégation de service public, sous contrôle du régulateur, et être ouverte à l'ensemble des investisseurs potentiels, privés et publics. On retrouve l'idée des « autoroutes de l'information », sauf qu'au lieu d'en faire l'apanage d'un acteur, il s'agirait de mettre en commun les moyens du secteur. Les avantages sont évidents : maximiser le déploiement en évitant le gaspillage des ressources et éviter une hyperconcentration par la sortie du marché des acteurs qui animent la concurrence en prix et en innovation. Autrement dit, cela permettrait de sortir de l'impasse actuelle qui interdit d'avoir à la fois, pour l'avenir, le bon réseau et des acteurs économiques aptes à y proposer des services.
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