mercredi 15 octobre 2008

Le conservateur

Houellebecq revient sur le contresens consistant à voir en lui un réactionnaire, nouveau ou ancien, alors que son tempérament et ses pensées le porteraient vers une sorte de conservatisme critique, cher à Orwell – auquel d’ailleurs Houellebecq rend hommage en louant sa définition de la «common decency» (socle de valeurs morales élémentaires qu’Orwell prêtait aux gens ordinaires) : «s’il y a une idée, une seule, qui traverse tous mes romans, jusqu’à la hantise parfois, c’est bien celle de l’irréversibilité absolue de tout processus de dégradation, une fois entamé. Que cette dégradation concerne une amitié, une famille, un couple, un groupement social plus important, une société entière ; dans mes romans il n’y a pas de pardon, de retour en arrière, de deuxième chance : tout ce qui est perdu est bel et bien, et à jamais, perdu. C’est plus qu’organique, c’est comme une loi universelle, s’appliquant aussi bien aux objets inertes ; c’est, littéralement, entropique. À quelqu’un qui est à ce point persuadé du caractère inéluctable de tout déclin, de toute perte, l’idée de réaction ne peut même pas venir. Si un tel individu ne sera jamais réactionnaire, il sera par contre, et tout naturellement, conservateur. Il considèrera toujours qu’il vaut mieux conserver ce qui existe, et qui fonctionne tant bien que mal, plutôt que de se lancer dans une expérience nouvelle. Plus sensible aux dangers qu’à l’espérance il sera pessimiste, d’un naturel triste, et en général facile à vivre.»

A propos du livre Ennemis publics, extrait de l'Opinion Indépendante, 10/10/2008, Christian Authier


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