Depuis que j’ai posé ma démission, je profite d’un peu de vacances avant l’heure. Cela me laisse du temps pour flâner sur le Net, et s’il y a bien quelque chose qui fleurit sur le net, ce sont les théories de la conspiration. J'ai décidé d'en parler un peu à Almendralejo.
Je m’épargne l’effort de les décrire (bien qu’il y en a des drôles, ma préférée est celle des reptiliens. Comme il semblerait que ce qu’ils font de plus méchant est d’être athée et de travailler sans arrêt pour arriver à des postes de certaine influence, je suppose que j’en suis un).
Au-delà du contenu de ces théories, je me pose la question sur la psychologie de ceux qui les suivent. À cet égard, j’ai trouvé un article très intéressant, à lire sur ce lien.
Je suis étonnée de voir que le discours des adeptes de toutes les théories de la conspiration est très proche, quel que soit le contenu de la théorie en question : il y a sur terre des très, très gros méchants avec la seule ambition de détruire l’humanité (les hommes de foi, dans certaines versions, vu qu’il semblerait que les athées passons nos vies à conspirer), mais eux (appelons-les « les savants ») sont en possession de la vérité absolue, même s’ils sont en minorité par rapport au reste de l’humanité, qui est moins intelligente qu’eux et se laisse manipuler par les conspirateurs.
Les conspirateurs (des très gros méchants, rappelons-le) sont toujours proches des cercles du pouvoir, ont bien réussi leur vie et sont écoutés et respectés (les méchants !!!).
Je suppose qu’il faut une certaine tendance psychologique pour devenir un savant (i.e un "celui-ui-sait-ce-que-personne-ne-sait", et j’essaie de déchiffrer le mécanisme qui y amène.
Pour moi, un savant réunit trois qualités principales : (i) insatisfaction personnelle ; (ii) Jalousie et (iii) fainéantise. Le mécanisme qui mène à croire à des théories de la conspiration me semble, sur foi de mes paragraphes antérieures, assez simple : « (i) Je n’ai pas réussi + (ii) c’est trop fatigant de faire des efforts dans la vie pour réussir (iii) un autre a réussi = celui qui a réussi est méchant ».
A ces trois qualités s’ajoutent deux autres qui servent d’éléments agglutinants : le complexe de supériorité et la mauvaise foi.
Le complexe de supériorité conduit a ce que le savant ne puisse pas concevoir qu’un autre puisse avoir réussi parce qu’il a des qualités dont le savant manque ou parce qu’il a une capacité de travail supérieure. Ce même complexe lui permet d’accepter comme quelque chose de naturelle le fait de faire parti d’un groupe réduit d’hommes libres qui connaissent la vérité sur tout, face au reste de l’humanité, manipulée.
La mauvaise foi est la qualité sans laquelle le savant n’assumerait pas forcément que tout celui qui fait des efforts pour avoir des postes de responsabilités est nécessairement méchant. Après tout, c’est si fatiguant de faire des efforts qu’il faudrait être poussé par la haine, pour les faire.
Quelle est la raison pour laquelle ils n’ont pas du mal à concevoir que quelqu’un qui passe son temps à faire le mal (sans aller au cinéma ni au resto, sans aimer ses enfants, sans prendre des vacances à la mer, sans céder leur place dans le bus, sans tenir la porte au voisin…) ? Bon, le savant passe bien son temps à croire que les autres conspirent contre lui… je ne vois pas en quoi il fait le bien, là. Certains éprouvent à l'évidence une difficulté importante à croire qu'un humain puisse agir aussi froidement, et c'est pour cela qu'il a des théories où les conspirateurs sont des extraterrestres (voir les reptiliens ci-dessus).
Le savant dit souvent : « la vérité vous rendra libres ». Jusqu’à là, je peux être d’accord avec lui. Mais ensuite il ajoute « vous êtes manipulés ». Ma question principale étant : qui est manipulé ? ceux qui sont conscients de ne pas avoir la moindre idée de comment le monde fonctionne ? ou ceux qui sont persuadés d’en avoir les clés de la vérité absolue parce qu’ils ont lu trois blogs sur Internet ?
La vérité nous rend libres, certainement, mais encore faut-il avoir le courage d’assumer cette vérité : la vérité d’un monde qui tourne avec ou sans nous, et où les grandes décisions sont prises à notre place. La vérité d’assumer que nous ne sommes pas au centre de l’existence, et personne ne conspire pour nous rendre la vie impossible : les seuls responsables de nos échecs sont nous-mêmes. Si nous ne réussissons pas c’est parce que nous n’avons fait les efforts qu’il faut ou parce que nous n’en avons pas la capacité.
Si seulement le monde était si simple que les savants le pensent, si seulement tout était blanc ou noir, si seulement nous pouvions blâmer des conspirateurs pour notre vie pourrie. Si c’était comme ça, nous aurions une bonne excuse pour ne pas faire le moindre effort pour nous en sortir.
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