Trouvé et recopié dans le magazine Diapason de ce mois
La Picardie, terre de somptueuses cathédrales, fut aussi, durant les XVe et XVIe siècles, pourvoyeuse de compositeurs. Certaines coururent à la gloire sous d'autres cieux, tandis que d'autres choisissaient de mener une carrière relativement banale dans une des nombreuses collégiales de cette vaste province « coincée » entre Paris et les Pays-Bas. Loyset Compère, Antoine Bruhier et Jean Mouton furent des maîtres célébrés dans tout le royaume de France et ailleurs. Nicolas de Marle publia trois messes entre 1557 et 1568, et fut « simplement » maître des enfants de chœur de l'église de Noyon (cité où était né et où se retira Mathieu Sohier, après une belle carrière à Notre-Dame de Paris). Des parcours radicalement différents qui couvrent un siècle d'Histoire, de 1470 à 1570 ; des manières de composer qui répondent à des esthétiques contrastées. Mais un fil tendu : la Picardie.
Les onze voix masculines d'Odhécaton sont passées maîtres dans l'art de dessiner une perspective polyphonique, de donner sa lisibilité à une pâte sonore assez dense — mais jamais compacte. Comme hier dans leur magnifique anthologie bâtie autour du Miserere de Josquin (Assai, Diapason d'Or), on ne cesse d'admirer la fluidité des lignes contrapuntiques chantées à pleine voix, la puissance de leurs arabesques — notamment dans la messe de Marle sur O gente brunette. L'inventivité de l'ensemble italien a raison des pages difficiles de Compère : les trois motets dégagent des atmosphères formidablement contrastées, par un judicieux assemblage des effectifs et des timbres. L'auditeur en sort convaincu de l'immense talent de ce maître encore méconnu, étoile picarde trop souvent dans l'ombre de Josquin.
Dans l'Ave Maria à cinq de Jean Mouton, Odhecaton est à mille lieues de l'homogénéité souvent lassante des formations anglaises (Brabant Ensemble, Oxford Camerata), mais s'éloigne aussi du fondu et du type de résonances vocales cultivés par certains ensembles flamands (Capilla Flamenca, Cappella Pratensis). Avec Paolo Da Col et ses chantres, l'Italie entre en force dans le monde des polyphonies renaissantes et impose un ton à nul autre pareil. Ils s'expriment librement, avec élégance et grandeur, jouant essentiellement sur deux tableaux, celui de la diversité du flux et celui de l'émotion textuelle. En une heure, défile tout un siècle de l'excellence picarde.
La Picardie, terre de somptueuses cathédrales, fut aussi, durant les XVe et XVIe siècles, pourvoyeuse de compositeurs. Certaines coururent à la gloire sous d'autres cieux, tandis que d'autres choisissaient de mener une carrière relativement banale dans une des nombreuses collégiales de cette vaste province « coincée » entre Paris et les Pays-Bas. Loyset Compère, Antoine Bruhier et Jean Mouton furent des maîtres célébrés dans tout le royaume de France et ailleurs. Nicolas de Marle publia trois messes entre 1557 et 1568, et fut « simplement » maître des enfants de chœur de l'église de Noyon (cité où était né et où se retira Mathieu Sohier, après une belle carrière à Notre-Dame de Paris). Des parcours radicalement différents qui couvrent un siècle d'Histoire, de 1470 à 1570 ; des manières de composer qui répondent à des esthétiques contrastées. Mais un fil tendu : la Picardie.
Les onze voix masculines d'Odhécaton sont passées maîtres dans l'art de dessiner une perspective polyphonique, de donner sa lisibilité à une pâte sonore assez dense — mais jamais compacte. Comme hier dans leur magnifique anthologie bâtie autour du Miserere de Josquin (Assai, Diapason d'Or), on ne cesse d'admirer la fluidité des lignes contrapuntiques chantées à pleine voix, la puissance de leurs arabesques — notamment dans la messe de Marle sur O gente brunette. L'inventivité de l'ensemble italien a raison des pages difficiles de Compère : les trois motets dégagent des atmosphères formidablement contrastées, par un judicieux assemblage des effectifs et des timbres. L'auditeur en sort convaincu de l'immense talent de ce maître encore méconnu, étoile picarde trop souvent dans l'ombre de Josquin.
Dans l'Ave Maria à cinq de Jean Mouton, Odhecaton est à mille lieues de l'homogénéité souvent lassante des formations anglaises (Brabant Ensemble, Oxford Camerata), mais s'éloigne aussi du fondu et du type de résonances vocales cultivés par certains ensembles flamands (Capilla Flamenca, Cappella Pratensis). Avec Paolo Da Col et ses chantres, l'Italie entre en force dans le monde des polyphonies renaissantes et impose un ton à nul autre pareil. Ils s'expriment librement, avec élégance et grandeur, jouant essentiellement sur deux tableaux, celui de la diversité du flux et celui de l'émotion textuelle. En une heure, défile tout un siècle de l'excellence picarde.
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