mardi 12 mai 2009

Le vieil homme qui lisait des nouvelles d'amour

Aux premières ombres du jour finissant se déchaîna le déluge et, en peu de temps, quelques minutes, il devenait impossible de voir plus loin que le bras étendu. Le vieil homme s'étendait dans son hamac guettant l'arrivée du sommeil, bercé par la violence monocorde du murmure de la rivière puissante.
Antonio José Bolívar Proaño dormait peu. Tout au plus, cinq heures par nuit et deux durant la sieste. Cela le lui suffisait. Le reste du temps était consacré aux romans, grâce auxquels il divaguait au sujet des mystères de l'amour et imaginaient les lieux où se déroulent les histoires.
Les lectures qui évoquaient Paris, Londres ou Genève exigeaient de lui un effort de concentration considérable pour se les représenter. Il n'a visité qu'une seule fois, une grande ville, Ibarra, de laquelle il ne se souvint sans grande précision que des rues pavées, des îlots de maisons basses, semblables, toutes blanches, et aussi la place de Armas pleine de personnes se promenant sur le parvis de la cathédrale.
Ce sont pour lui ses plus grandes connaissances du monde et en lisant les trames se tenant dans des villes portant des noms austères et lointains tels que Prague ou Barcelone, il décida que Ibarra n'était pas un nom digne d'accueillir les amours grandioses.

Traduction libre du chapitre cinq, p.73-74, de Un viejo que leía novelas de amor, par le bloggeur

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