Le seul et unique type vivant qu'ils mettent au monde, au monde de la fiction, c'est leur moi distribué sous diverses espèces et permanent sous d'innombrables hypostases ; que le perpétuel dialogue avec soi-même puisse se substituer sans vergogne à la tentative plus humble qui était jusque-là celle du roman d'imiter les accidents, les rencontres et la variété de la création, c'est l'effet non pas d'une incrédulité grandissante du lecteur vis-à-vis de la personnification romanesque, mais plutôt d'une foi presque insolente de l'auteur dans la capacité immanente à la fiction de faire tout accepter, y compris non seulement le mystère de la transsubstantiation réédité, mais encore le miracle des noces de Cana.»
Hormis une page sur Ryanair et d'amusantes remarques sur des produits de consommation, je ne retire pas grand chose d'excitant du dernier livre de Michel Houellebecq, La carte et le territoire. Or l'excitation, c'est ce qui attirait chez lui, l'observation polémique qui désormais n'est qu'un contre-pied prévisible, et aussi le fait qu'il faisait des hommes moyens des héros involontaires de leur temps. Les bons écrivains de nos jours doivent se tordre de douleur devant ce succès. Comme souvent, la critique consacre les œuvres les moins réussies et fécondes de leurs auteurs. Je salue tout de même ce talent français de gloser avec art et profondeur.
Jusqu'à la page 200, on dénombre quelques ratés exemplaires, la relation amoureuse entre Olga et Jed, dérisoire et insignifiante, les conversations entre Houellebecq, personnage et Jed, sans intérêt et presque puériles, le personnage Begbeider, une commande sans conviction, le pastiche de Kéchichian, grossier. Nous aimions les héros houellebecqien, celui-ci (Jed Martin) n'en est qu'une ébauche. On garde tout de même l'impression d'une oeuvre bâclée. Faible par le style, il commence à ressembler à MG Dantec, j'ai la malchance de le lire après Barbey, faire l'expérience de la comparaison d'une lecture à voix haute est un exercice cruel.
Julien Gracq,En Lisant, en écrivant, Corti, p.122-3
Hormis une page sur Ryanair et d'amusantes remarques sur des produits de consommation, je ne retire pas grand chose d'excitant du dernier livre de Michel Houellebecq, La carte et le territoire. Or l'excitation, c'est ce qui attirait chez lui, l'observation polémique qui désormais n'est qu'un contre-pied prévisible, et aussi le fait qu'il faisait des hommes moyens des héros involontaires de leur temps. Les bons écrivains de nos jours doivent se tordre de douleur devant ce succès. Comme souvent, la critique consacre les œuvres les moins réussies et fécondes de leurs auteurs. Je salue tout de même ce talent français de gloser avec art et profondeur.
Jusqu'à la page 200, on dénombre quelques ratés exemplaires, la relation amoureuse entre Olga et Jed, dérisoire et insignifiante, les conversations entre Houellebecq, personnage et Jed, sans intérêt et presque puériles, le personnage Begbeider, une commande sans conviction, le pastiche de Kéchichian, grossier. Nous aimions les héros houellebecqien, celui-ci (Jed Martin) n'en est qu'une ébauche. On garde tout de même l'impression d'une oeuvre bâclée. Faible par le style, il commence à ressembler à MG Dantec, j'ai la malchance de le lire après Barbey, faire l'expérience de la comparaison d'une lecture à voix haute est un exercice cruel.
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