mercredi 13 octobre 2010

Barbey d'Aurevilly par Kléber Haedens

Toujours sur le front de la Normandie, avec Barbey, je m'accorde le temps de consulter mon Haedens "Une histoire de la littérature française"(p.372).

Jules Barbey d'Aurevilly (1808 1889) est un homme d'un autre âge et il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son insuccès. Barbey a traversé son époque en protestant avec hauteur contre tout, contre les fausses réputations, contre les médiocres, extraordinairement vêtu, capable de vider un verre d'eau de vie sans sourciller, aussi légendaire que d'Artagnan, catholique et royaliste incorruptible, ayant beaucoup lu dans sa province normande, lançant des mots frappants et terribles, prodiguant sa verve et ses images et tournant dédaigneusement le dos à la foule.

Une vieille maîtresse, L'Ensorcelée, Un prêtre marié, Le Chevalier Des Touches, Une histoire sans nom, romans déséquilibrés, pleins d'histoires effrayantes, de mouvement, de satire véhémente, livres inégaux, rocailleux, soudain pathétiques, doivent une grande part de leur puissance à l'atmosphère de la campagne normande qu'ils évoquent avec passion. Le chef d'oeuvre de Barbey, Les Diaboliques, recueille des nouvelles admirables et tourmentées dont certaines coupent le souffle et rappellent le meilleur Balzac. Barbey avait la haine des naturalistes, de leur minutie, et il se laissait emporter par son imagination, son langage abondant et plein de sève. Mais le plus étonnant exemple de ses partis pris se trouve dans sa critique littéraire. Barbey s’y montre toujours prêt à se lancer tête baissée dans ses injustices épiques, et l’on n’en finirait pas de relever ses erreurs et es incompréhensions têtues, éclatant d’une noble fureur. Mais Barbey, lorsqu’il tombe juste, peut aller aussi loin que le plus pénétrant des critiques et laisser tomber négligemment des images magnifiques qui définissent un homme pour l’éternité.



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