Ce doit être étrange pour un acteur de mai 68 d'être jugé par l'ordre moral qui prévaut trente ans après. C'est glaçant de se dire que la liberté insouciante que nous accordait l'air du temps peut nous être reproché trente plus tard. Que Polanski soit jugé pour les délits dont on le poursuit depuis des décennies, c'est une affaire judiciaire, juste susceptible de lever un sourcil des spectateurs de Faites entrer l'accusé. Une mère de famille un peu hippie dépose sa charmante fillette de treize ans chez un photographe qu'elle sait être mandaté par un magazine trouble et sulfureux et dont la séance va basculer dans l'obscène et le sordide. Chacun peut se faire un avis sur cette affaire judiciaire un peu tordu où on met la main sur un prévenu trente ans après les faits dans un pays qui fait subitement du zèle et où la victime souhaitait ne plus avoir à revenir sur l'affaire, un fait divers grave, traumatisant et abominable. Sur ce, deux hystèries, deux morales radicales se sont empilées conférant à ce cas outre, des effluves nauséeuses, un intéressant combat moral qui fera quelques débris. La première manifestation hystèrique fut la levée de boucliers immédiates des professionnelles de la profession, de la caste d'une intelligentsia médiatique, culturelle qui protége un des leurs et clame haut et fort leur privilège de nouvelle aristocratie touche-pas-à-mon potiste au-delà du bien et du bien dont il nous sermonne ad journalam televisam. L'impudeur des nouveaux clercs, candides, éclate dans un contexte où la liberté de jouir sans entrave a dépassé la limite permise de la décence. Outre un corporatisme de nouveaux châtelains, on pressent la défense d'un air du temps où ce genre de pratique borderline était toléré comme un signe de témérité, d'avant-garde et de libération dans le joyeux bordel de la liberté sexuelle. C'était sans se rappeller que le consensus autour de Mai 68 était sérieusement éméché. Déjà les premières lézardes aux célébrations d'un "âge des lumières" apparurent lors des premiers procès de la période en question. Les déçus, les perdants et les sourcilleux commencaient à chercher les preuves de sa médiocrité au mieux, de sa perversité, au pire. Les procureurs fomentent des livres noirs. Après trente années de clémence, dont a bénéficié une de ces icônes, les procès idéologiques donnent lieu désormais aux chasses à l'homme. C'est la seconde manifestation qui, en réaction, prend un écho important, massif, imprécateur. L'air du temps n'est plus trop encline à protéger les indélicates cochoncetés d'un de ses apôtres sous couvert d'individualisme et de libération des mentalités. En tant que réactionnaire, on peut être effrayé par le fait que l'établissement d'un ordre puritain s'accompagne d'une violence terrible et haineuse véhiculée par l'internet et la résonnance médiatique. Les temps changent. La parenthèse d'une révolution pacifique se refermera probablement dans la violence de l'enfer. est-ce ce combat qui se joue en ce moment? A ver.
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