dimanche 17 mai 2009

George Orwell et le concept de décence ordinaire

J'ai écouté d'une oreille distraite une des émissions Répliques qui est encore présente sur la page d'archives du site de l'émission. Elle était très attendue, puisqu'elle se penche sur un concept qui rencontre un certain succès de nos jours, alors que son auteur ne l'a pas explicitement défini et développé; exposé. Il s'agit de la common decency chez l'écrivain George Orwell, considérablement connu pour son oeuvre littéraire (1984) et politique (La ferme des animaux). Cette « décence commune », ce « sens commun » peut être vu comme l'’instinct des lignes de séparation entre le bien et le mal, un sens inné du juste et de l'injuste qui conduit à refuser le "mal agir". C'est par cette définition proposée par Brice Bégout, invité et auteur de l'essai de la décence ordinaire que s'ouvre le débat. A travers un certain nombre de valeurs qui "vont de soi", nourries par la dignité élémentaire des gestes simples, les classes populaires s'arment d'un bon sens, "une texture" qui leur permettrait de résister aux hégémonies, qui sont chez Orwell le totalitarisme et l'aveuglement des élites et intellectuel-l-e-s qui le justifie et pour Bégout, la technique, l'Etat ou le marché, soit des forces suprastructurelles dissolvantes. Ces valeurs sont entre autres la civilité, la solidarité, l'hospitalité, le formalisme, la mesure, l'effort et la collectivité. L'essentiel de ce débat auquel participe aussi le subtil Jacques Dewitte en sa qualité d'auteur de Le Pouvoir de la langue et la liberté de l’esprit, essai sur la résistance au langage totalitaire, tourne autour des raisons pour lesquelles cette décence ordinaire serait bafouée, mise à mal. Brice Bégout soutient justement qu'elle s'oppose à l'indécence des élites, des parvenus et évoque sans le nommer le président Sarkozy, mais ce n'est pas important. Finkielkraut est davantage précis lorsqu'il cite l'exemple des téléphones portables, des comportements d'indifférence qu'il induit, car par la manifestation de son usage en public, l'homme est en posture cynique qui le coupe et le désorganise. Parallélement, il insiste sur la révolte contre les formes, inhérent à l'analyse tocquevilienne. Je suis très intéressé par l'expression des valeurs populaires. Je me souviens que la pudeur était une des caractéristiques des gens du peuple, une modestie qui traduisait la conscience d'être ce qu'ils sont et de ne pas l'imposer, à l'inverse du "soi-mêmisme". Par exemple au tribunal ou devant les journalistes, il était souvent entendu cette phrase "....pardonnez moi l'expression". Il ne viendrait jamais à l'esprit de Sarkozy, d'un ministre, d'un acteur du "show-biz" de s'excuser pour une désinvolte vulgarité, que leur statut de privilégié permet d'exprimer sans honte, cette arrogance est indécente. Je pense parfois à Jean-Louis Borloo dire "j'ai les boules". Lui peut, un enfant d'ouvrier ne pourra jamais l'écrire dans sa copie du bac. Désormais, cette pudeur est totalement humiliée, violée par la célébration de la victime ("victime de discrimination"," famille des victimes", etc...), l'exhibitionnisme encouragé (téléréalité, être soi-même, société du spectacle), l'éthique de l'argent. Il a été question dans cette émission du ricanement des intellectuels, je me demande jusqu'à quel point les intellectuels (organiques? les élites petites-bourgeoises?) sont contre le peuple, jusqu'à quel point ils veulent le dissoudre. Dès lors, je suis obligé de m'interroger sur les effets du libéralisme. A venir

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Passionnant !
J'ai entendu Finkielkraut employer l'expression Orwellienne dans une émission radio en évoquant les attaques dont Martine Aubry était victime à cause de son physique, le philosophe était aussi en colère contre la vulgarité du comique en question qu'attristé par le manque de réactivité latente de sa victime, c'est là qu'il a évoqué cette décence ordinaire. Depuis, ce sujet m'intrigue, merci pour m'avoir éclairé sur ce point grâce à votre article.

D.

Gu Si Fang a dit…

Bonjour,

Auriez-vous gardé l'émission en mp3 ? Je souhaite l'écouter mais elle n'est plus sur le site de FC.

Merci d'avance,
GSF

L'administrateur a dit…

Jevais faire des recherches.