jeudi 2 octobre 2008

Que vive la finance


Les lobbys obscurantistes, les populistes, les enfonceurs de système, les malins de l'apocalypse, les vendeurs de présages fous et sensationnels en auront pour leur grade. Je me permets de reproduire le texte d'Augustin Landier et David Thesmar. J'enfonce le clou et je crie avec les vautours.

Vive la finance!

On nous avait prévenus : le capitalisme financier marche sur la tête. Les incantations politiques sur la nécessité de « mettre au pas » la finance et d'épingler les coupables n'ont jamais été aussi unanimes, atteignant leur paroxysme avec l'homélie présidentielle de la semaine passée. Dans un pays qui adore débattre de grands principes abstraits, les envolées lyriques sur le thème du retour à l'Etat font florès. Il faut dire qu'un grand nombre de fantasmes idéologiques propres à la France se trouvent ainsi confortés.

Par exemple celui qui ferait de la finance un secteur « virtuel ». Or que l'on parle d'une banque commerciale ou d'investissement, du « hedge fund » londonien ou du guichet de la Caisse d'Epargne, la finance fournit des services à forte valeur ajoutée. Aux Etats-Unis, elle contribue au PIB à hauteur de 6 -7 %. Un biais industrialiste nostalgique nous pousse à croire que seules comptent les entreprises qui produisent un bien tangible. Or la manufacture elle-même n'est qu'une toute petite partie du prix d'un bien, loin derrière les services qui l'entourent (logistique, informatique, service après-vente... finance). Notre avenir, dans le monde globalisé, ce sont les services, et notamment les services financiers.

Depuis la fin de 2000, l'économie américaine, bien que soumise à la fameuse dictature des marchés financiers, a crû de 17 %, soit un tiers plus vite que la France. Le secteur financier, qui a permis aux entreprises innovantes de s'endetter et aux particuliers d'accéder à la propriété, est directement impliqué dans ce succès. Pour prendre un exemple provocateur, un ménage « subprime », s'endettant en 2006 à un « teaser rate » de 2 % avec un apport de 10.000 dollars, n'a pas forcément perdu grand-chose aujourd'hui. Il aurait dû payer un loyer en tout état de cause. Si son défaut conduit aujourd'hui à la saisie de sa maison, c'est là que s'arrête sa responsabilité aux Etats-Unis.

Lire la crise actuelle comme le symbole des ravages du libéralisme sauvage n'est ni pertinent ni utile. C'est plutôt sur l'échec des régulateurs à créer des infrastructures adaptées à l'innovation financière qu'il faut s'interroger. Ainsi, des dizaines de milliers de prêts immobiliers ont été consentis sur la base d'informations sur les prêteurs qui s'avèrent aujourd'hui fausses et rendent la valorisation de ces contrats impossible. Sans aucun effort de standardisation, les dérivés de crédit correspondants ont été formalisés dans des contrats qui varient au cas par cas. Ils ne sont donc pas échangés sur les marchés de dérivés organisés, qui, eux, sont sûrs. Les banques ont gardé hors bilan, avec le consentement tacite des régulateurs, des poches d'engagements qui exposaient en réalité l'ensemble de leurs actifs.

Depuis la crise de 1929, nul ne conteste que le système financier doit être régulé par l'État : les soi-disant ravages de la dérégulation ne sont rien d'autre qu'un épouvantail bien pratique. Il s'agit maintenant de réfléchir dans le détail, produit par produit et question par question, à l'amélioration du système en évitant les mesures symboliques et en acceptant la complexité d'un sujet très technique. Par exemple, « contrôler » les agences de notation ne leur donnera pas de meilleur modèle pour évaluer des créances toxiques très opaques. Limiter arbitrairement la rémunération des dirigeants est une mesure populiste, aisément contournable et probablement sans effet majeur. Empêcher les ventes à découvert n'empêche pas les cours de Bourse de baisser, mais limite le pouvoir stabilisant de certains opérateurs financiers. Résultat confirmé par de nombreuses études académiques : on augmente la volatilité des actions à court terme.

Pourtant, le président de la République a raison sur un point : la crise actuelle provient d'un manque de responsabilisation des agents financiers. Trop d'opérateurs ont été incités à surfer sur une bulle que beaucoup reconnaissaient comme telle. Sous peine d'être sans effet, la nouvelle régulation doit prévenir le retour de ces incitations perverses. Pour cela, il faut s'éloigner des grands principes et se concentrer sur la plomberie microéconomique. Par exemple, dans les établissements financiers, il faudrait que la fonction de contrôle des risques ne reporte pas à la direction générale, mais directement au conseil d'administration, et la doter de pouvoirs d'investigation pour faire remonter l'information. C'est de ce genre de mesure technique qu'on peut attendre un progrès tangible de la technologie de gouvernance des organismes financiers.

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