dimanche 11 avril 2010

Recouvrez cette femme que je ne saurais voir

Cobijada, Vejer de la Frontera, Andalousie, source

Je tiens à faire mon mea culpa. Pendant dix ans, j'ai cru que le féminisme avait gagné, au bout de ses luttes, il s'était établi et dans le confort de sa victoire, nous imposait son nouvel ordre à travers ses procureur-(e)s, ses auteur-(e)s, ses écrivain-(e)s, les avortements libres de disposer de son corps, les lois sur la parité, les nurseries. Je mesurais mal que ces victoires symboliques étaient fragiles, des diversions, qu'en effet l'égalité ou la dignité que tant de femmes ont voulues ne méritaient pas encore le repos. Hier, par un malheureux hasard, je suis tombé sur un débat autour de la burqa. Un débat sur la question alimenté par Bigard ne devrait pas être digne d'intérêt. Pourtant, il est accablant. Personne, à aucun moment, n'a insisté sur la dégradation, la négation de l'identité de la femme. On a parle de sécurité, on a parlé de choix. Car si c'est un choix, on peut se demander pourquoi aucun homme ne fait ce choix-là. Reconnaissons que la tiédeur, un peu lâche, qui sévit nous vient d'un vertige. Le vertige d'une régression pluriséculaire qui nous sidère, nous décontenance, nous éprouve. Une chute, un dépaysement. L'évidence n'est plus évidente et nous n'avons plus les mots pour le dire, énervés par l'habitude. Il y a cinquante ans, à Vejer, sud de l'Andalousie, s'évanouissait la dernière femme occidentale entièrement voilée, il y a cinquante ans, les féministes ont réussi à faire en sorte qu'il ne soit plus un outrage qu'elles portassent un pantalon. Des femmes vous disaient alors qu'elles portaient uniquement des robes par leur choix, bien qu'elles en eûssent été conditionnées. Depuis cinquante ans, grâce aux féministes, les femmes sont femmes comme elles l'entendent et plus seulement comme les hommes le veulent, cette sagesse devenue devrait profiter aux femmes immigrées à qui, en plus de notre hospitalité, doivent recevoir l'onction de l'émancipation. Je ne pensais pas que dans ma vie, dans mes pays, j'allais un jour être en face de femmes sans face. C'est pour moi un trou métaphysique, un apartheid qui sépare hommes et femmes, car la femme n'est plus une femme comment le savoir? qu'est-ce qui la distingue?, une aliénation archaïque,une réduction, une annihilation des formes. Recouvrez cette femme que je ne saurais voir. Je ne peux m'empêcher de constater que les hommes qui bâchent leurs femmes regardent les autres avec une concupiscence sale. Les femmes sont toujours les victimes, le combat continue. En sommes-nous capables?


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