vendredi 13 février 2009

A propos de "Tout sur ma mère"

J'ai revu Tout sur ma mère, que j'avais vu pour la première fois il y a dix ans et que je n'avais pas aimé. Les cordes de ma sensibilité adolescente d'alors ne s'accordaient pas avec une vision de la misère magique. Je n'y croyais pas aux prostituées posant parmi les honnêtes génies. Simplement conditionné par mon époque, je ne goûtais alors qu'au réalisme social qui allait accoucher du succès des frères Dardenne et que je considérais comme l'intégrité initiale à toute démarche artistique. Je me trompais bien évidemment. Cette prétendue intégrité n'est d'ailleurs qu'une vision artificielle de la réalité, je m'en rends bien compte avec toutes les déformations du politiquement correct qui sévissent dans tous les films "criant de vérité", criant de vérité pour toutes ces personnes qui ne savent relater correctement un simple fait divers et qu'on appelle journaliste. Puis, je m'apercevais bien en voyant ce film qu'un artiste a tout à fait le droit de créer une esthétique, une vision magnifiée, un univers, c'est même le minimum qu'on lui demande. Un pan de mes illusions venait de s'effondrer, je peux dire j'ai compris. Il est d'ailleurs tout à fait intéressant de noter que l'académisme officiel qui a cours a progressivement abandonné ou marginalisé le réalisme social, un peu sinistre, pour des œuvres autocentrés et plus nombrilistes - il y a qu'en France, on fait des films après la digestion-, comme si les cris de "la vérité criante de vérité" insupportaient nos fines âmes -il y a qu'en France on baisse la tête. Pour en revenir au film espagnol, c'est, force de le reconnaître dix ans plus tard, du bon travail, émouvant et bien construit. Je crois que le titre évoque le fait que la mère d'un jeune défunt en voulant revenir sur son passé en son hommage joue la pièce que son fils lui aurait écrit en son honneur.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bientôt sur ce blog une étude de l'oeuvre de jean-Pierre Jeunet avec comme pièce angulaire son Amélie fétiche.

Il est temps de fermer

Anonyme a dit…

D'apprecier d'avantage le réalisme poétique que la réalité réelle interpretée par ceux qui ne la conaissent pas, n'est-ce pas que de nourrir des nouvelles illusions? Très beau texte. Merci

K. von Gibus a dit…

A Alexandre : Oh non, pas tout de suite, surtout si vous nous faites l'honneur de passer.

A Elle : oui, vous allez dans le sens de mon propos, bien maladroit, certes. Fue un placer.

Accompagnaman a dit…

Amélie Poulain ! Excellente idée ! L'esthétique de Barratier, l'idéalisme de Sardou, sur une musique dérangeante dans la veine de Céline à ses débuts... Je suis honoré que les commentaires de ce blog rencontrent enfin mes goûts artistiques.

K. von Gibus a dit…

Accompagnaman,

Les colonnes vous sont acquises pour développer les prémices de votre AEstheticae Barratier que je vous sais en train de ruminer.

Quid de son dernier film, injustement passé sous silence?

Anonyme a dit…

Je dois vous faire un aveu.

Tel Aristote qui n'aurait pas lu Platon, tel Marx qui ne connaitrait pas Smith, tel Mozart qui n'aurait pas connaissance de Bach, tel Emilie B. qui n'aurait pas flirté avec Shakespeare, tel Calogero qui ne monterait et ne descendrait que par des escaliers, tel Clea qui n'aurait pas testé le Gomasio, tel I. de Courtilloles d'Angleville qui ne serait pas allée dans un rallye, je n'ai pas vu le dernier long-métrage de Christophe, Faubourg 36.

K. von Gibus a dit…

1.Oh!

2.êtes-vous sûr qu'Emilie B. n'a jamais fleurté avec shakespeare?

3.J'ai un copain critique cinéma qui pourrait nous avoir des copies rares de Faubourg 36 stockées dans les réserves de la cinémathèque. Il a, je crois -j'en suis sûr, ses entrées.

4.On pourrait le projeter chez moi devant un bon café équitable.

5.Bien à vous